Entre succès, faillites et défis majeurs : l'écosystème tech de l'Ouest en 2025
La publication de la neuvième cartographie de l'écosystème des start-ups de l'Ouest est une nouvelle occasion de faire le point sur les trajectoires entrepreneuriales qui marquent la région. Entre levées de fonds, rachats, faillites et projets prometteurs, l'année 2024 a été riche en événements. Alors que 2025 s'annonce comme une année clé pour le secteur de la tech en Bretagne et Pays de la Loire, retour sur les succès, les échecs et les perspectives à venir.
Klaxoon et Verteego : des succès à célébrer… mais surtout pas à relativiser !
Cette fin 2024 et de tout début 2025 ont été notamment marquée par deux excellentes nouvelles.
La première nouvelle concerne l'emblématique Klaxoon créé par l'excellent Mathieu Beucher. Fondée en 2015 à Rennes, Klaxoon a révolutionné les outils collaboratifs en entreprise avec sa solution de workshops interactifs. En quelques années, la start-up est devenue l’un des leaders mondiaux des outils de collaboration à distance, séduisant des clients comme Microsoft, L'Oréal, Toyota, etc…
Pour rappel, en 2021, Klaxoon intègre le Next 40, trouvant sa place parmi les start-ups françaises les plus prometteuses. La start-up continue de croître malgré la concurrence accrue sur le marché des outils collaboratifs post-COVID.
Le tournant majeur est arrivé en cette fin 2024, lorsque Klaxoon est rachetée par Wrike soutenu par le très solide fonds d'investissement californien STG.
La deuxième bonne nouvelle est plus récente avec les nantais de Verteego. Fondée par Rupert Schiessl et Clément Guillon, Verteego est une entreprise française spécialisée dans l'intelligence artificielle. Elle a développé des solutions SaaS (Software as a Service) destinées à optimiser les décisions stratégiques des entreprises en s'appuyant sur des prévisions de haute précision pour des clients de renom tels que Monoprix, System U, Bayer, etc…Verteego rejoint Bamboo Rose, le leader mondial des plateformes technologiques retail. Basée également aux États-Unis, Bamboo Rose permet aux plus grandes marques du monde de transformer leurs opérations, du développement de produits à la gestion des commandes mondiales.
Ces bonnes nouvelles sont à tempérer par rapport aux acquéreurs, comme vous venez de le lire, il s'agit de deux structures américaines. Un dilemme se pose…
Ces scale-ups américaines ont bien compris que l’on rentrait dans une période de “soldes” sur le continent européen et plus particulièrement sur le territoire Français. Ces dernières années, de nombreuses start-ups françaises ont été rachetées par des acteurs américains, et cette tendance devrait se poursuivre en 2025. Entre ventes stratégiques et pertes de souveraineté économique, la situation soulève des interrogations sur le modèle entrepreneurial français. S'agit-il d'une opportunité de croissance ou d’un manque de capitaine d’industrie dans la tech à l’Ouest ?
Sur ce sujet, Matthieu Beucher le formule très justement : “ Quand le rythme s'accélère, savoir vendre, acheter, ou faire des partenariats permet de gagner des années de développement. L'écosystème tech américain est riche de cette plasticité.”
D’autres acquisitions stratégiques et des trajectoires variées
Début 2024, les Brestois de Pledg avaient choisi un autre chemin face à l’ogre Suédois Klarna. Créée en 2017, Pledg avait réalisé une première levée de capitaux de 1,2 million d'euros, suivie en 2021 par une levée de 80 millions d'euros pour accélérer sa croissance sur le marché du paiement différé en France et en Europe. En février 2024, Pledg est devenue une filiale à 100% de Crédit Agricole Personal Finance & Mobility, opérant sous la marque Sofinco.
Soulignons aussi une autre belle trajectoire en 2024, celle des Nantais d’ Allovoisins, qui ont préféré explorer la voie du LBO en réorganisant son capital avec Ciclad, qui est entré en très gros minoritaire. Ce levier n’est certainement pas suffisamment exploré par les directeurs généraux de l’Ouest.
Montrez que des exits sont possibles sur le territoire sera clé en 2025. Compliqué certainement sur le premier semestre mais complètement envisageable sur la fin d’année.
Souvenez-vous, les premiers à avoir montré le chemin sont les Brestois d’Imascap en amorçant la démarche auprès de l'américain Wright Medical pour plus de 80 millions d’euros.
Un sillon d’Exit à cultiver en 2025
En 2025, inspirez-vous des trajectoires de ces quelques entreprises tech de l’Ouest :
La première, Gladia, fondée en 2022 à Cesson-Sévigné, près de Rennes, par Jean-Louis Quéguiner et Jonathan Soto, est une start-up française spécialisée dans les solutions de reconnaissance et de transcription vocale basées sur l'intelligence artificielle. Elle développe des technologies capables de convertir la parole en texte en quasi temps réel, avec une précision remarquable, supportant plus de 100 langues et accents. En octobre 2024, la start-up a clôturé une série A de 16 millions de dollars. Son directeur général, Jean-Louis Quéguiner, va devenir un personnage emblématique de notre écosystème.
Dans le même registre “personnage emblématique de l’écosystème”, le phénix nantais, Quentin Adam qui fêtera avec son équipe les 15 ans de Clever Cloud. Cette start-up, devenue PME du Numérique, continue son combat sur la souveraineté technologique européenne et a commencé à s’étendre en Afrique.
Toujours du côté Nantes avec un pied également à Paris, Loyoly (anciennement Wiink), fondée en 2021 à Nantes par Joseph Aubry, Thomas Guibert et Thierry Girod. Cette start-up est spécialisée dans les solutions de fidélisation et de parrainage pour les e-commerçants. Leur croissance s’emballe fortement notamment par rapport à l’énorme succès de Shopify (à noter qu’ils viennent tout de même de créer un addons pour prestashop).
Autre génération de scale-ups Nantaises, mais ayant en commun un advisor de renom avec Philippe Brochard (Ex directeur général Auchan), Smartway (Christophe Menez et Paul-Adrien Menez) et Shopopop (Johann Ricaud et Antoine Cheul) qui continuent leur percée fulgurante dans la GMS. Plus de 250 collaborateurs œuvrent depuis l’Ouest contre le gaspillage alimentaire et sur la logistique des derniers kilomètres.
Avant de fermer la parenthèse nantaise, notons que Speeral (Julien Chevalier) devrait s’envoler avec sa technologie pour la seconde main, Mr Suricate (Fabien Van Herreweghe et François-Xavier Le Gal) s’est définitivement imposé dans le domaine de l'automatisation des tests fonctionnels, Guest Suite (Thomas Mathieu) a consolidé dans les avis client, Gens de confiance (Ulric Le Grand) surperforme dans les petites annonces, Akeneo devrait devenir la 1ère licorne (start-up valorisée à plus d’un milliard d’euros) de l’Ouest…
Du côté de Brest, CHR Numérique, spécialisée dans la digitalisation des processus HACCP, a continué son déploiement, l'entreprise enregistre un chiffre d'affaires de 27 millions d'euros, avec une croissance annuelle de 30 %, et compte désormais 245 salariés répartis entre ses sites de Brest, Gouesnou et ses filiales internationales à Madrid et Milan.
OSO-AI a bien déroulé sa Roadmap notamment du côté du Japon. Cette entreprise deeptech spécialisée dans l'intelligence ambiante au service des personnes vulnérables et des soignants. Sa technologie phare, l'Oreille Augmentée des Soignants, analyse les sons et bruits environnants pour détecter automatiquement des situations critiques, améliorant ainsi la sécurité des patients et allégeant la charge mentale des équipes soignantes. Ses 3 fondateurs, Philippe Roguedas, Gilles Debunne et Olivier Menut, ont gagné le prix “start-up de l'année par EY”, reconnaissant leur innovation et leur impact positif sur la société.
Mais la grande surprise brestoise en 2024 a été la levée de capitaux de 32 millions d’euros réalisée par l'éditeur BoondManager auprès du fonds britannique Expedition Growth Capital, spécialisé dans le financement d'éditeurs de logiciels B2B à forte croissance. Les 3 frères, Tanguy, Anthony et Loïc Lambert, ont su développer une solution ERP performante et adaptée aux spécificités des ESN et cabinets de conseil, contribuant ainsi à l'amélioration de leur efficacité opérationnelle et à la simplification de leurs processus métiers.
Aux antipodes, les échecs et liquidations : un rappel des risques…
Notre 4ème observatoire sortie en novembre dernier nous montre bien que de nombreux directeurs généraux de l’Ouest ont un moral en berne par rapport aux années précédentes, il y a moins d”euphorie… Et ça se ressent aussi côté météo des start-ups avec 74% qui indiquent que ça se dégrade (https://www.xplore.vc/ecosysteme/observatoire)
Aucun n'a démérité et ils se sont battus jusqu’au bout. Citons My Little Trip (Nantes), Thrasos (Rennes), Frigo Magic (Rennes), Kirae (Rennes), PMex (Rennes), Buldi (Vannes), Berny (Nantes), Origame (Nantes), etc… il est urgent d’enrayer ce fléau !
Arrêtons nous tout de même sur certaines d’entre elles pour tenter de tirer des enseignements pour 2025.
La première Buldi, fondée en 2018 à Vannes par Nicolas Mahé, Matthieu Merceron et Élise Albert, est une start-up spécialisée dans la digitalisation de la relation commerciale dans le secteur de la construction individuelle. Leur plateforme innovante met en relation des particuliers souhaitant construire ou agrandir leur maison avec des professionnels certifiés du bâtiment, facilitant ainsi la concrétisation de projets immobiliers.
En 2024, l’ensemble du secteur immobilier est grippé, par rebond, c’est l’ensemble des Proptech qui dévissent. Au mois d'août, en raison de la crise immobilière, Buldi est placée en liquidation judiciaire.
En octobre, la start-up est rachetée par la holding LTF Invest, dirigée par Antoine Krier, offrant ainsi une seconde chance à l'entreprise. Ce rachat vise à relancer Buldi avec une organisation plus agile et des ambitions de croissance ajustées, en s'appuyant sur les synergies avec les autres entreprises du groupe, telles qu'Ubiflow et Digital Bricks.
Autre exemple, le cas de My Little Trip ne devrait surtout pas se reproduire en 2025. Fondée en 2019 à Nantes par Mikki Glancy, la start-up proposait un service innovant d'abonnement à des voyages surprises en France et en Europe. Les abonnés bénéficiaient de séjours clés en main, incluant transport et hébergement, vers des destinations dévoilées peu avant le départ, en fonction de leurs préférences et des lieux déjà visités.
Malgré son succès initial, MyLittleTrip a fait face à des défis opérationnels liés à sa croissance rapide. Le 25 septembre, l'entreprise est placée en liquidation judiciaire, laissant environ 4 000 clients sans remboursement pour les voyages prévus. De nombreux ingrédients étaient réunis, il manquait juste quelques bonnes fées autour du berceau pour parvenir à mieux scaler.
Face à ces problèmes, l’écosystème toujours plus uni, plus résilient, continuant de pousser pour donner naissance à des success story !
Tout au long de l’année, de multiples acteurs ont créé les conditions pour que des rencontres se produisent entre porteurs de projet, codeurs, biz dev, designers, investisseurs… Voici un florilège :
La première édition de l’Equity Challenge a été un succès. Ce concours de levée de capitaux initié par l'association Business Angels 35 (BA35) vise à soutenir les entrepreneurs du Grand Ouest en phase d'amorçage, en leur offrant l'opportunité de sécuriser des investissements en equity pour accélérer le développement de leurs projets innovants. Une seconde édition devrait avoir lieu en 2025.
Dans la même mouvance, GO invest a fêté ses 25 ans le 5 novembre 2024 au Roazhon Park à Rennes. Cette édition anniversaire a permis aux 7 technopoles de dresser un bilan plus que positif en 25 ans : Plus de 750 investisseurs participants, 1380 entreprises innovantes présentées, plus de 200 millions d’euros de levées de fonds réalisées… La 26ème édition aura lieu au mois d’octobre/novembre 2025.
Toujours du côté de Nantes, saluons le succès du premier 0 to 1 qui a réuni plus de 250 personnes au start-up palace grâce aux amis d’iciLundi et l’équipe de H7.
Du côté de l’Ouest, les AI days se sont tenus aux Ateliers des Capucins à Brest, orchestrés par la French Tech Brest Bretagne Ouest et un collectif du tonnerre : Cyril de Sausa Cardoso, John Quefellec, Maxime Havez… L'événement a rassemblé plus de 350 participants, proposant une quinzaine de conférences et des démonstrations en temps réel. Ils arrivent avec de grosses ambitions pour l’édition 2025.
A Quimper, Digital inspirationel a réajusté son format sur une demi-journée, Le fundTruck a fait étape à Lannion durant Summit4good, et la 10eme édition du West Web Festival a été incroyable…
Cette édition anniversaire a été célébré avec Antoine Monin, DG Europe de Spotify, Laurent Buanec, DG France de X (anciennement Twitter), Cédric O, cofondateur de Mistral AI et ancien secrétaire d'État chargé du numérique, Nolwenn Belleguic, cofondatrice de Lhyfe, Fred de Gombert, directeur général d’akeneo, etc… Les participants ont également pu assister aux performances d'artistes renommés tels que David Guetta, Sam Smith, Gossip, Sting, et PJ Harvey, renforçant ainsi le lien entre innovation digitale et culture musicale. Cette édition spéciale a été l’occasion de réunir physiquement les personnes figurant sur cette cartographie de l’écosystème (photo ci-dessous) confirmant le rôle central de West Web Festival / Xplore dans l'écosystème, offrant une plateforme unique de partage, d'apprentissage et de célébration au cœur de la Bretagne. Que nous réservera l’édition 2025 ?
Côté FrenchTech Rennes, Daniel Gergès et son équipe n’ont pas arrêté : Un imagine Submit d’anthologie avec son banquet des start-ups, Un start-up On The Beach venteux, un nouveau lieu inauguré avec Via Silva, et un positionnement stratégique sur la Cybersécurité… En effet, Rennes continue de renforcer sa position de capitale européenne de la cybersécurité, grâce à l’ENSIBS, le Poool, et des événements phares comme l’European Cyber Week. Avec le soutien du ministère des Armées, le Startup Studio Cyber aura déjà accompagné plus de 30 start-ups spécialisées dans la cyberdéfense. La Bretagne devient vraiment un bastion de la cybersécurité.
Des figures emblématiques dans ce secteur commencent à se dégager comme Marie Paindavoine de Skyld. En décembre 2024, Marie a reçu le European Cyber Woman Award dans la catégorie Entrepreneur, récompensant son engagement à l'intersection de l'IA et de la cybersécurité. Sa start-up Skyld propose un kit de développement logiciel (SDK) destiné aux industriels, permettant de chiffrer et de protéger leurs algorithmes d'IA embarqués. Cette solution vise à empêcher des attaquants potentiels d'accéder, de modifier ou de comprendre les modèles déployés, garantissant ainsi l'intégrité et la confidentialité des applications d'IA.
Il est difficile de parler de tous les acteurs tant les structures se démènent. De nombreuses autres actions seraient à souligner comme l’ADN Festival qui aura lieu à Brest en 2025, la 3ème édition “Epopée Les 40” regroupant les 40 personnes de moins de 40 ans parmi les plus talentueuses de l’ouest…
Conclusion
2025 sera une année charnière pour de nombreux acteurs de l’écosystème : start-ups, fonds d’investissement, associations ou lieux dédié à la tech…
Il est de plus en plus complexe de conjuguer des visions à impact, le time to market, le business et la santé du dirigeant.
Beaucoup d'efforts sont concentrés sur l’éclosion des start-ups mais n'oublions pas de donner un second souffle à des start-ups devenues des PME du numérique en Bretagne et Pays de la Loire.
En 2025, il y aura toujours peu d’immatriculation de nouvelles start-ups représentées par le coq rouge (SAAS).
Le dernier trimestre 2025 devrait enclencher une accélération des M&A (fusions et acquisitions), créant une nouvelle génération d'entrepreneurs en série prêts à réinvestir leurs gains en 2026 dans de nouveaux projets.
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